GOODBYE GARY ROSSINGTON Il n’est pas pressé. Il a le temps. Que sont quarante-cinq années quand on a l’éternité

L’homme au chapeau noir esquisse un sourire. Son regard pétille sous ses cheveux longs.

Il n’est pas pressé. Il a le temps. Que sont quarante-cinq années quand on a l’éternité devant soi ? Et pourtant, il a quand même attendu cet instant avec une certaine impatience. Et là, ça y est ! C’est arrivé !

Le 5 mars 2023, Gary Rossington a quitté cette terre à l’âge de soixante et onze ans. Il laisse derrière lui sa femme Dale, ses filles et ses petits-enfants. Sa famille et ses amis. Et aussi un nombre incalculable de fans attristés et malheureux.

Évidemment, tout le monde aurait voulu qu’il passe le cap des quatre-vingt ans. On souhaite tous une longue vie à nos héros. Mais le destin en a décidé autrement.

Pas besoin de dérouler la biographie entière du bonhomme. Tous les passionnés la connaissent (quant aux autres, il y a très peu de chances qu’ils lisent ces lignes).

On peut simplement affirmer que Gary a été un survivant jusqu’au bout. Oui, il a survécu à beaucoup de choses.

Aux accidents de voitures (dont une rencontre fracassante avec un chêne vainqueur par KO de la Ford Torino du guitariste. Cet épisode avait d’ailleurs inspiré à Ronnie Van Zant le texte de la chanson « That smell » avec la fameuse phrase « oak tree, you’re in my way »/« le chêne, tu es sur mon chemin »).

Au tragique crash d’avion d’octobre 1977 qui lui avait infligé de multiples fractures et surtout un énorme choc émotionnel quand il avait appris le décès de Ronnie sur son lit d’hôpital (il avait insisté pour que sa mère lui dise la vérité). Gary s’était toujours demandé pourquoi il avait survécu. Mais il soutenait aussi que toute chose arrive pour une bonne raison et que sans cet accident, il n’aurait jamais créé le Rossington-Collins Band et qu’il n’aurait donc jamais rencontré sa femme Dale.

Aux innombrables opérations pour résoudre ses problèmes cardiaques. Gary était le champion toutes catégories des triples, quadruples et quintuples pontages. Et même si la cause de sa mort n’a pas été encore révélée, on peut raisonnablement penser qu’une défaillance cardiaque en est la cause.

Au chagrin causé par la mort de sa mère qu’il adorait.

Aux drogues et à l’alcool.

Et surtout à plus de cinquante ans de musique, d’excès en tous genres, de tournées à travers le monde et de concerts débridés.

Il était le dernier membre fondateur de Lynyrd Skynyrd, combo mythique tragiquement entré dans la légende. Il avait vécu toute l’histoire du groupe depuis le début et il en était devenu le patron depuis le Reunion Tour de 1987.

Plus qu’un homme, Gary était un vrai rocker (avec tous les débordements que cela implique).

Un vétéran, un témoin de la grande époque. Un véritable monument historique. Mais de la seule histoire qui compte, celle du Rock’n’Roll.

Mais encore plus qu’un survivant, Gary Rossington était avant tout un musicien.

Pas un guitariste de génie mais un manieur efficace de six-cordes. Pas besoin de balancer dix mille notes à la seconde pour avoir son nom dans le grand livre du Rock. Quelques notes inspirées suffisent largement. Gary disait souvent que les notes les plus importantes étaient celles qu’on ne jouait pas.

Ainsi, on lui doit l’intro intemporelle de « Simple man » et les trois accords de « Sweet home Alabama » qu’il avait fait tourner en répétition. Á ce sujet, une précision s’impose. Gary est crédité sur ce titre mais il en a toujours voulu à Ed King d’être devenu « Mister Sweet Home » (à juste titre d’ailleurs puisque Ed a composé en totalité la célèbre intro et le solo de ce hit de Lynyrd Skynyrd). Ed s’est sans doute inspiré de ces trois accords joués par Gary mais le groupe avait déjà une certaine tendance à utiliser la formule « ré-do-sol ».

Quoi qu’il en soit, Gary a su se forger un style personnel immédiatement reconnaissable, ce qui constitue la marque des grands.

Il connaissait son rock’n’roll sur le bout des doigts, en solo (« Gimme three steps », « Call me the breeze ») mais également en rythmique (les riffs imparables de « Don’t ask me no questions » ou « What’s your name ». Faut-il préciser qu’il était un grand admirateur de Keith Richards ?).

Il s’aventurait aussi avec bonheur en territoire « honky tonk » (« Things goin’ on »).

Mais par-dessus tout, il excellait dans les solos mélodiques (« White dove », « The seasons », « Tuesday’s gone », « Love don’t always come easy » sur l’album « The last rebel »). Et ces envolées mélodieuses étaient la marque de fabrique de Gary Rossington.

Des notes émotionnelles, une saturation chaude, un sustain prolongé et des tirés de cordes élastiques.

Cette sonorité particulière, Gary la devait à sa Gibson Les Paul de 1959 qu’il avait baptisée Berniece (le prénom de sa mère bien-aimée) et qu’il branchait dans des amplis Peavey Mace.

Il a toujours affirmé qu’il n’avait jamais possédé de meilleur instrument.

En 1977 au studio Criteria, il avait été bouleversé quand il avait retrouvé sa Berniece avec la tête cassée et séparée du manche. Un technicien l’avait réparée avec une colle spéciale et deux vis sans altérer le son de la guitare. Il y a quelques années, Gary avait prêté Berniece pour une exposition au Rock’n’Roll Hall of Fame. Il était très fier que sa guitare trône entre celles de Duane Allman et d’Eric Clapton.

Le décès de Gary Rossington sonne la fin de la grande époque du rock sudiste et sa mort amène des questions sur l’avenir de Lynyrd Skynyrd.

La question a été posée si le groupe allait continuer à tourner ? Privé de son dernier membre fondateur, perdrait-il sa légitimité et sa crédibilité ?

Le groupe a finalement annoncé son intention de continuer.

Après de nombreuses discussions avec le groupe, les familles de Ronnie Van Zant et Allen Collins, et Dale Rossington, le collectif a recueilli un soutien unifié et estime que continuer à se produire en direct et à maintenir la musique en vie est dans le meilleur intérêt des fans et de toutes les personnes concernées.
Il ne faut cependant pas oublier que Lynyrd Skynyrd reste une fabuleuse machine à engranger les dollars. Alors, une chose est sûre : les intérêts financiers ont dû peser lourd dans la balance et l’argent a mené la danse.

Maintenant, Gary Rossington se moque bien de tout ça. Il a eu une vie bien remplie. Il a affronté les coups du sort et profité des bons moments. Il citait souvent Gregg Allman qui affirmait que si l’on vit assez longtemps, on connaîtra des tragédies et des triomphes. Gary a connu les deux. Il a participé à l’extraordinaire aventure de Lynyrd Skynyrd depuis le commencement en suivant un jeune visionnaire du nom de Ronnie Van Zant. Il lui a survécu mais il a continué à honorer sa mémoire en remettant le groupe sur la route. Il a fait gémir sa guitare sous les projecteurs autant qu’il a pu.

Et puis, il s’en est allé. Ailleurs.

L’homme au chapeau noir sourit franchement. Le groupe qu’il a créé il y a plus de cinquante-trois ans est de nouveau au complet. One, two, three !

Les accords de « Simple man » résonnent dans l’immensité cosmique.

Gary a rejoint ses amis !

Olivier « Simple man » Aubry

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